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La Suisse doit cesser de se rendre complice des crimes commis aux frontiers

Sophie Guignard, Solidarité sans frontières

L’agence Frontex est la cristallisation de la politique européenne de refus de l’asile. Ses logiques de militarisation, de répression et de violence piétinent méthodiquement le socle humaniste sur lequel le vivre ensemble devrait se construire, la forteresse Europe grandit et se développe à une vitesse effrayante, au détriment des droits fondamentaux des personnes en exil.

Plutôt que de contribuer à cette construction mortifère, la Suisse doit prendre ses responsabilités de pays riche, et avoir le courage de se montrer solidaire.

Les 61 millions votés par le Parlement suisse, peu après que le Parlement européen a décidé de suspendre une partie du budget de Frontex, nous font honte. Cet argent représente 5% du budget total de l’agence. Et ce, alors qu’il n’y a pratiquement pas d’argent consacré aux droits humains : seul 0,2 % du budget était prévu pour le bureau des droits fondamentaux en 2020. Et pour des raisons obscures, seuls 20 nouveaux délégué∙es à ces droits fondamentaux ont été engagés à ce jour, au lieu des 40 projetés. Et ce, bien qu’il s’agissait d’une des promesses centrales du développement de Frontex. Chez Frontex, les droits humains sont sur une voie de garage. L’agence est censée recevoir de 5,6 à 11 milliards d’euros pour la période 2021 à 2027. Cet argent signifie plus de violence, plus de refoulements illégaux, plus de militarisation, dont une grande partie tombe d’ailleurs dans les poches des entreprises d’armement, de prétendue sécurité et de surveillance.

La Suisse profite largement de ce système. Les logiques d’externalisation de la gestion migratoire aux pays tiers ont pour conséquence une baisse des entrées sur le territoire européen et par extension, suisse. Ce phénomène va main dans la main avec une logique de fermeture face aux personnes demandant l’asile. La réaction des autorités suisses à la demande d’une politique d’accueil plus solidaire face aux victimes de la prise de pouvoir par les Talibans en Afghanistan cette année le montre, la Suisse officielle n’a aucune volonté de prendre au sérieux son devoir humanitaire, et plus largement, de protection des droits humains.

Outre l’argent et la main d’œuvre alloués à Frontex, nous voyons également que la Suisse contribue à l’imaginaire raciste déployé par l’agence européenne. Les analyses de risque de Frontex présentent la migration comme une grave menace. Ce narratif est largement répandu dans les discours politique sur la migration et dans les médias. Parler principalement de sécurité des frontières, c’est déplacer la menace et nier les conditions de vie de toutes les personnes, qui, aux frontières de l’Europe risquent leur vie, meurent de froid, se font tabasser par les milices frontalières, alors qu’elles essaient simplement de faire valoir leur droit à l’asile, pourtant garanti par la Convention de Genève. Ce qui est vraiment en danger, ce sont les droits fondamentaux.

Quiconque a déjà lancé dans le débat sur Frontex, par exemple lors des récoltes de signatures, s’est aperçu que cela reste un sujet encore peu connu. Les liens entre la Suisse et Frontex le sont encore plus. Ce référendum est une chance d’enfin faire la lumière sur les agissements de Frontex, sur la collaboration de la Suisse et sur ce que cette politique de militarisation des frontières fait à notre humanité et à notre sens de la solidarité.

Si la Suisse veut vraiment s’engager en faveur des droits humains, comme elle s’en est toujours vantée, elle doit immédiatement cesser de financer cette agence – elle devrait plutôt s’engager à ce que l’argent ne soit pas investi dans la militarisation des frontières, mais plutôt dans le sauvetage en mer. Sinon, elle continuera à se rendre complice des crimes contre l’humanité commis aux frontières extérieures de l’UE. En tant que personnes privilégiées, vivant dans un pays privilégié, il est grand temps que nous prenions nos responsabilités.